Homecoming

Ila Ayn (1957) – Georges Nasser

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Il y a soixante ans, le film Ila Ayn de Georges Nasser représentait le Liban au Festival de Cannes, à l’époque où les films étaient présentés par des pays et que la palme d’or n’existait même pas. « Cannes a beaucoup changé », a dit Nasser avant la projection. L’accueil dans la Salle Buñuel à l’occasion du retour de ce film à Cannes fut bien plus que chaleureux. On sentait dans la présentation une réelle fierté de pouvoir amener ce film à un nouveau public, aussi bien que de le faire redécouvrir par le public cinéphile libanais, pour qui ce film représente le début du cinéma d’auteur Libanais.

Ils ont bien raison d’y tenir à ce point : Nasser dépeint la vie dans un village libanais d’où les hommes rêvent tous de partir et dont les femmes craignent l’abandon. Ce village, leurs coutumes et le thème musical que nous entendons tout au long du film semblent très étrangers. Pourtant, décrire ce milieu que l’on n’est pas habitué à voir sur le grand écran nous apporte une réflexion très humaine et très universelle sur l’ambition. Que coûte la volonté de partir et qui en paie le prix ?

Les personnages sont comme pris dans un cycle. Le père quitte le pays pour trouver sa fortune et ne réussira pas. Cela n’empêchera pas son fils de rêver à la même chose. Deux frères tombent amoureux de leur voisine qui craint de finir comme leur mère, en attente d’un homme qui ne reviendra jamais. Les choix se résument à souffrir ensemble ou souffrir seuls, mais ils ne peuvent pas arrêter de rêver d’un avenir meilleur. Pourtant, lorsqu’un vieil homme que l’on ne reconnaît plus arrive au village, on est bien obligés de conclure qu’il vaut mieux souffrir ensemble.

Le style cinématographique qu’emploie le film pour aborder ces questions est quasiment documentariste, ce qui pourrait être étonnant, mais beaucoup de ce que Nasser nous montre vient effectivement de la vie quotidienne qu’il observait tout autour de lui au Liban. Ce traitement assez froid permet au jeu des acteurs de porter l’émotion, ce qu’ils assurent dès les premiers plans. Bien que la technique soit par moments maladroite (on peut penser au combat où les acteurs échouent à faire croire que les coups sont réels), l’émotion, elle, est palpable. Par ailleurs, les conditions de production et la nature pionnière de l’existence de ce film excusent ce genre de petits défauts.

Ila Ayn est donc une grande découverte, d’un pays, d’un style et d’un cinéma qui mérite que l’on en parle et qu’on le regarde.

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